Stephen King le trouve "incroyable" !

16 avril 2011

Stephen King le trouve "incroyable" !

Stephen King le trouve "incroyable" !

Auteur primé mais jusque-là confidentiel, Justin Cronin vampe les lecteurs avec un anti-"Twilight".

Par Thomas Mahler

"Je voulais te dire que ton livre est incroyable. Tu as ramené la peur dans les histoires de vampires, mon pote !" Si l'année 2010 fut féconde pour Justin Cronin avec la sortie événement du Passage, agrémentée de droits d'auteur et d'adaptation cinématographique estimés à plusieurs millions de dollars, le couronnement en fut sans conteste le coup de fil surprise de Stephen King lors d'un talk-show de la chaîne ABC. Le pape de l'horreur y canonisait en direct un roman monumental encensé par la critique américaine et amené à faire date dans l'histoire de la littérature fantastique.

Encore des vampires ? s'inquiéteront les sceptiques, qui brandissent des gousses d'ail chaque fois qu'on leur évoque Twilight. Oui, mais non. Les "suceurs de sang" du Passage n'ont rien de bellâtres pâlichons, tandis que l'un des personnages raille même l'héritage fictionnel de Dracula, le qualifiant de "ramassis de débilités à connotations sexuelles". En dépit d'un patronyme idoine pour écrire sur des créatures aux canines acérées, le profil de Justin Cronin ne correspond d'ailleurs guère à celui d'un auteur de "bit lit". Ce professeur d'université était auparavant reconnu pour des romans et des nouvelles très littéraires. Jusqu'au jour où, alors qu'il demandait à sa fille âgée de 9 ans sur quel sujet elle aimerait le voir travailler, celle-ci lui répondit : "L'histoire d'une fille qui sauve le monde."

Cadre apocalyptique

Le résultat de cette requête familiale est un mastodonte de 1 000 pages, annoncé comme le premier tome d'une trilogie homérique. La saga s'ouvre dans les années 2010 alors que l'armée américaine teste un virus mystérieux sur des condamnés à mort. Près d'un siècle plus tard, les vampires, aussi contagieux et fantomatiques que des zombies, mais dotés de capacités athlétiques exceptionnelles, ont essaimé sur tout le Nouveau Continent. Dans ce cadre apocalyptique, une petite colonie de survivants va reporter ses espoirs sur l'énigmatique Amy, une jeune fille qui paraît avoir 14 ans...

Éminemment ambitieux, Le passage doit plus au Fléau de Stephen King ou à la métaphysique Route de Cormac McCarthy qu'aux best-sellers pudibonds de Stephenie Meyer. Outre un style qui toise de très haut les normes en vigueur dans le thriller, la grande force du livre est de donner de la chair à chacun des personnages, même si celui-ci doit se faire déchiqueter trois pages après. Avec ce récit addictif, Justin Cronin dit avoir voulu démontrer que "notre destin de mortel est finalement le plus enviable". Mais son roman rappelle surtout de manière mordante que, avant de servir de métaphore aux émois adolescents (Buffy, Twilight) ou de message sur la tolérance (True Blood), le cahier des charges des vampires est de terroriser leur public. Et nul ne s'en plaindra, bon sang !

Le passage de Justin Cronin.Traduit de l'anglais par Dominique Haas (Robert Laffont, 966 p., 22,90 euros).

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Source : http://www.lepoint.fr/livres/